sabah explique comment apprentis d’auteuil l’a sauvée.

« Ces années à Apprentis d’Auteuil ont changé ma vie », explique Sabah, aujourd’hui cadre chez Nestlé France.

Voilà le témoignage lu dans la newsletter de janvier d’ Apprentis d’Auteuil, un témoignage qui m’a bouleversée à la fois pour cet exemple concret du rôle de cette association et pour la fin de l’histoire. Sabah explique en effet que pour elle « la boucle est bouclée » car elle a repris contact avec Apprentis d’Auteuil pour l’un de ses fils en difficulté. On ne saura rien des écueils de sa vie privée.

« Un jour, j’ai reçu un mauvais coup de ma maman parce que j’avais écrit avec un feutre sur un mur des toilettes. En arrivant à l’école, la maîtresse a vu que j’avais le bras gonflé. Malgré ma tentative pour cacher la vérité, l’école a fait un signalement. Et j’ai été placée. Tout est parti de là ! » À 51 ans, Sabah Asri se souvient encore parfaitement de ce jour qui a fait basculer sa vie. Au début des années 80, elle est alors l’aînée d’une famille de six enfants. Ses deux parents travaillent un temps à l’usine, de jour et de nuit, puis ouvrent un petit commerce. La petite fille seconde souvent sa maman dans les tâches de la vie quotidienne. 

Après cet incident, une assistante sociale se déplace au domicile de la famille qui habite Alfortville, en région parisienne. « Elle a vu les conditions modestes dans lesquelles nous vivions, raconte Sabah. J’aidais beaucoup ma mère à la maison, donc je n’avais pas le temps de faire mes devoirs. Mais, si mes parents ne savaient ni lire ni écrire, ils connaissaient l’importance de l’école. » 

Une petite rebelle

Décision est prise de mettre la jeune Sabah en internat pour qu’elle se concentre sur sa scolarité. En 1983, elle intègre la  Maison Saint-Esprit à Orly où elle passe la semaine. « Je me souviens très bien du premier jour. On m’a demandé de lire et j’ai fondu en larmes ! À 10 ans, je ne savais pas lire. » La jeune élève rejoint une classe adaptée de l’école Saint-Esprit. Elle est également suivie par une orthophoniste. Et les choses se débloquent. « Le fait que l’on soit peu nombreux en classe m’a aidée à corriger mes lacunes. Là-bas, les devoirs étaient suivis. Ensuite, j’ai pu faire une scolarité normale, même si je me débrouillais largement mieux en maths qu’en français. » 

« Je vivais mal le placement. »

Si côté scolarité les choses semblent s’apaiser, le moral de la jeune fille n’est pas au beau fixe. « J’avais beaucoup de colère en moi. Je vivais mal le fait d’être placée en internat, même si j’ai compris plus tard que c’était pour mon bien. À la maison, j’étais un peu la cheffe et du jour au lendemain je me suis retrouvée toute seule avec d’autres enfants que je ne connaissais pas. J’étais une (gentille) petite rebelle ! » 

En sixième, Sabah intègre le collège Jean XXIII, tout nouvel établissement situé juste en face de la Maison Saint-Esprit, qui ouvre ses portes en 1986 et accueille uniquement des adolescentes. C’est là qu’elle rencontre Nathalie Le Guenec, son éducatrice référente. « Je me souviens d’une jeune fille particulièrement colérique, raconte Nathalie quarante ans plus tard, aujourd’hui directrice d’établissement à Apprentis d’Auteuil. Et d’un épisode un peu dangereux avec une fourchette… Elle était passionnée de basket. Elle a donc rejoint l’équipe que j’avais montée. Je suis admirative de sa réussite aujourd’hui. Elle s’est accrochée ! »

Cadre dans un grand groupe

Sabah poursuit sa scolarité à Jean XXIII jusqu’en troisième. Elle passe un BEP en comptabilité, quitte la fondation pour suivre ses études à Paris. À 21 ans, la prise en charge de l’Aide sociale à l’enfance prend fin. Sabah retourne vivre chez ses parents et obtient son bac pro en comptabilité en 1996. L’été, la jeune femme travaille comme animatrice pour financer son BTS en gestion comptabilité qu’elle prépare dans une école privée. Puis, deux ans plus tard, elle décroche un diplôme en comptabilité reconnu par l’ordre des experts comptables. 

« Au cours de ma scolarité, j’ai pris conscience de l’importance des diplômes. Je voulais aussi prouver que j’étais capable de poursuivre des études même si j’avais mal démarré. » Aujourd’hui, Sabah est comptable chez Nestlé France après avoir exercé dans de grandes entreprises comme Clarins, Le Monde ou Monoprix. « Avec le recul, je me rends compte que cela été une chance pour moi d’être accueillie à Apprentis d’Auteuil. Je n’aurais pas réussi aussi bien professionnellement sinon. Quelque part, la fondation m’a sauvée… »

Retour à Orly

Récemment, Sabah a repris contact avec Apprentis d’Auteuil. Son plus jeune fils étant en difficulté, elle s’est tournée vers le collège Poullart des Places (anciennement Jean XXIII) où elle-même a passé une partie de sa scolarité. « J’ai l’impression de me revoir à son âge. Abdel-Alim a des troubles de l’attention. Il a aussi besoin de prendre confiance en lui, d’être dans des classes à petit effectif. Je fais tout ce qu’il faut pour qu’il s’en sorte. En l’inscrivant à Orly, j’ai l’impression de boucler la boucle… »

Je n’y serais pas arrivée si…

Les éducateurs et les enseignants étaient tout le temps derrière moi pour que je progresse. Je les remercie. J’ai été beaucoup aidée scolairement. Je ne sais pas ce que je serais devenue sans eux. J’aurais pu mal finir.

Sabah Asri, ancienne des établissements d’Apprentis d’Auteuil à Orly

BIO EXPRESS

6 mai 1973 Naissance 

1996 Obtention du bac

2001 Naissance d’Adel

2012 Naissance d’Abdel-Alim

2020 Devient comptable chez Nestlé

Acteur majeur de la protection de l’enfance, Apprentis d’Auteuil accueille des enfants ou des adolescents en danger ou en risque de l’être. Son ambition : les protéger en leur offrant un cadre sécurisant, mettre tout en œuvre pour restaurer leur confiance pour les conseiller et les aider à dépasser leurs difficultés.  

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