Un lit pour deux ou chacun son lit ? Car ce cher Jean-Claude Kaufmann veut nous prouver que faire lit à part n’est pas le signe extérieur d’un malaise dans le couple.Bien au contraire. Oser la chambre séparée et donc se préparer aux rendez-vous nocturnes fait partie des recettes pour mieux le préserver ! Et cela même si le dialogue s’avère souvent difficile sur cette question.
Il est important de bien dormir. Certes.
Les ronflements, les sifflements, la respiration bruyante ou la bougeotte de l’autre, la couette qu’il tire, ça peut gêner dans les bras de Morphée. Mais le témoignage extrême de Gabrielle m’a laissé songeuse. » Nous partageons le même élan dans notre rapport à l’autre : faire durer notre couple en faisant primer le développement personnel, social, professionnel de chaque membre de notre couple sur l’identité « couple » ( quel jargon ! )…Nous avons chacun notre chambre aménagée et entretenue de façon différente et chacun notre lit de 1 m60″.Un choix dévoreur d’espace et pas donné à tout le monde mais il est si important pour eux qu’ils ont préféré changer de ville et quitter Paris pour réaliser leur rêve !
L’exemple serait très fort explique l’auteur s’il n’y avait là une particularité : Gabrielle et son ami sont partisans du polyamour qui n’interdit pas à chaque membre du couple d’avoir ouvertement d’autres relations. Ordinairement la chambre à part n’ouvre pas de tels horizons !!!!.
Mais Gabrielle enfonce le clou.
La question du lit à part ne peut se poser que si on a suffisamment de place ou une fois les enfants partis, ou si plus simplement on ne vit pas ensemble.
Comme il nous y a habitués depuis son livre magnifique sur l’analyse du couple par son linge, Kaufmann part de témoignages, ici sur le lit en général et sa place au sein du couple, pour élaborer une « théorie » en y ajoutant une grande intelligence, son analyse sociologique et ses remarques pertinentes. Un brin de provocation aussi. La partie historique, il la garde pour la fin et on aime cela. Et de rappeler que le fait de dormir à deux , dans la plupart des sociétés, ne fut pas la norme dominante, qu’il n’y avait pas toujours une chambre et que s’il y en avait une , elle pouvait être une pièce de réception comme elle l’a été pour l’aristocratie aux XVIIIème et XIXème siècle.
Au Moyen-Age, le couple partageait son lit avec d’autres membres de la famille voire avec les voyageurs de passage.
Une promiscuité aggravée par le fait que les gens dormaient nus. Ce qui n’allait pas sans poser certains problèmes de moralité. Un manuel d’un certain docteur Paler recommande de laisser au visiteur, s’il est d’un rang social supérieur, le choix du côté du lit qu’il préfère avant d’ajouter : « et quand tu es au lit, la politesse demande de demeurer mains au corps et jambes tendues « ….
Chéri, cette nuit on se voit ? Je t’invite dans mon lit.
Mais au XXIème siècle, qu’y a-t-il de plus doux que de s’endormir en parlant à l’autre, dos contre lui ou pas , jambes mêlées ou pas, que de le sentir se réveiller, voire de s’exiler dans la nuit chacun à l’extrémité du lit et de chercher à ne pas se gêner au lieu de systématiquement s’expatrier ? Je vous le demande. Cela sans empêcher l’usage du canapé en cas de besoin et en appréciant lorsque l’occasion se présente de dormir seul(e) en travers du lit…
Jean-Claude Kaufmann. Un lit pour deux. La tendre guerre. JC Lattès.