Aujourd’hui, deux femmes m’ont félicité sur les baskets dorées que je porte depuis 4 ou 5 ans, l’hiver principalement, de la marque 0-105.
Portées avec une simple robe noire en laine, peut-être est ce le contraste qui attirait l’oeil ? J’aime marcher dans les rues de Paris avec. Mais leurs semelles n’ont rien à voir avec celles que la mode met en avant en ce moment.
Cool, fraîche et dynamique, la basket est « une pilule de jeunesse », pour le créateur Pierre Hardy, qui dessine les chaussures pour Hermès et sa propre marque après avoir travaillé chez Dior et Balenciaga. Cest l’un des premiers à avoir détourné la chaussure de sport en une pièce mode qui a submergé la rue et les podiums.
Uniforme des Fashions weeks, les sneakers accompagnent aussi les sorties du soir, dédramatisent les robes ultraféminines ou accessoirisent les tenues d’affaires.
Le plus puissant code vestimentaire des adolescents, c’est le dénominateur commun intergénérationnel, car tout le monde en porte, les rappeurs américains comme Pierre Cardin, 97 ans.
Au dernier show de lingerie de Savage X Fenty de Rihanna, les mannequins en sous-vêtements sexy arboraient des baskets. Même l’opéra de Paris « qui s’habille comme vous et moi » en chausse des personnages historiques.
Selon la plateforme de mode Stylight, les baskets du luxe -parmi lesquelles Off-White, Alexander McQueen ou Balenciaga sont les plus convoitées – ont surpassé en tant que pièce forte le sac à main. Les consommateurs du monde entier sont prêts à investir « 302 euros en moyenne » pour une paire de designer.
302 euros ? Pas moi mais je connais un certain Quentin, 23 ans, que cette somme n’effraie pas . C’est celle qu’il est prêt à mettre dans l’achat d’une paire de baskets lorsque ses finances sont au beau fixe. Dans son armoire, on compte une dizaine de paires, blanches de préférence mais pas que. Celles qui vont bien avec un costume, il les porte sur le chemin de son entreprise.
Mais une fois au boulot, ni une ni deux, il chausse des chaussures en cuir qu’il garde dans un tiroir. Il se sent à l’aise dans ses baskets. Cet accessoire de mode lui permet de renouveler ses tenues.
– « Créativité incroyable » –
Dans la dernière étude d’une autre plateforme, Lyst Index, une paire d’Adidas est sur la liste des 10 produits les plus populaires pour les femmes tandis qu’une Nike et une Adidas sont parmi les pièces mode les plus convoités par les hommes.
Pierre Hardy
« Les silhouettes, même très sophistiquées sont construites autour des baskets. Elles sont devenues de vraies chaussures avec une créativité incroyable ». « Elles apportent au segment du luxe très sophistiqué un produit « frais, juvénile et dynamique » qui renverrait « à un souvenir de quand on était adolescent et on s’en fichait d’être bien habillé ». Pour les hommes, cela a permis d’introduire des matières qu’on n’utilisait pas du tout, des couleurs fortes, des motifs plus fun (…). « Une femme qui ne peut plus porter de talons peut être encore plus à la mode et assumer complètement ce confort ».
Ainsi, la maison Berluti fondée en 1895, ancien bottier apprécié par ses costumes, vient d’annoncer l’arrivée en boutiques de nouvelles sneakers Gravity qui « mêlent le savoir-faire artisanal et la technicité des matériaux ». En noir ou orange, elles exhibent des contours rehaussés, un clin d’oeil à la tradition bottière.
« La mode et le luxe se sont emparés de la chaussure de sport au moment où le confort est devenu déterminant pour la recherche de nos vêtements », souligne l’historien de la mode Denis Bruna, commissaire d’une exposition sur l’histoire de la chaussure et la démarche au MAD, le musée des Arts décoratifs de Paris.
– Courir ou pas courir –
Le choix de la basket est dicté par les modes de vie actifs, la profusion de vélos et trottinettes dans le paysage urbain ou… par des angoisses.
Dans Vernon Subutex 3, dernier roman de Virginie Despentes, une bourgeoise parisienne qui « sait tout faire en escarpins » enfile après la tuerie du Bataclan pour la première fois ses Fila blanches pour aller à un concert, de peur de devoir courir en cas d’attentat.
Comme « courir n’est pas certainement un acte élégant », les maisons du luxe « ont détourné les baskets de leur usage premier » en les rendant lourdes ou instables avec lesquelles « on fait tout sauf courir ».
Si les historiens de la mode prédisent un inversement de tendance et le retour à des chaussures plus conventionnelles voire contraignantes, Pierre Hardy reste confiant.
Après toutes ces années de démarche libérée, « il sera difficile de se re-contraindre à un certain inconfort ».
La Femme Qui Marche avec /AFP.