Ils s’appelaient » René, Félix, ou Marie ». Résistants ou simples civils, ils sont morts fusillés, pendus, brûlés, torturés pendant l’occupation : un site internet les sort de l’oubli et publie biographies, photos et lettres bouleversantes d’adieux de milliers d’entre eux, au terme de dix ans de travaux.
Au coeur de ce monument aux morts virtuel se côtoient l’illustre Jean Moulin, des martyrs plus anonymes de la Résistance et de simples civils, massacrés par les Allemands ou leurs alliés pendant la Seconde guerre mondiale.
Parmi eux, Charles Godillon, 36 ans, tourneur sur métaux, raflé en juin 1944 à Tulle (Corrèze) par les SS, en guise de représailles contre les maquisards. Avant d’être pendu, il remet ce court billet à un abbé: « Au revoir, ma chérie, mes petits et toute ma famille que j’aimais tant. Appelle celui qui doit venir: Charles ou Marie ». Son fils naîtra trois mois plus tard.
Pierre Benoit, 17 ans, passé par les armes, en 1943, avec 4 camarades résistants du lycée Buffon, à Paris, jeune membre des FTP, les Francs-tireurs et partisans, arrêté et torturé par la police française avant d’être livré aux Allemands : « Mes chers parents, chers amis, c’est la fin! On vient nous chercher pour la fusillade. Adieu, petite maman chérie, pardonne-moi tous les tracas que je t’ai faits. J’ai lutté pour une vie meilleure. Peut-être un jour tu me comprendras (…) Nous partons en chantant ».
Le site rend hommage à 10.000 victimes de la répression pendant la Seconde guerre mondiale. Ce projet, ambitieux, est le fruit d’une démarche scientifique minutieuse, menée par une centaine de chercheurs issus notamment du CNRS, de l’université Paris I Panthéon Sorbonne ou de l’université de Caen. Il s’agit de rassembler d’ici à 3 à 4 ans plus de 25.000 notices biographiques.
Claude Pennetier, maître d’oeuvre de ce projet : « redonner vie à ces victimes »:
« Alors que les déportés et les internés de la Seconde Guerre mondiale ont fait l’objet de nombreux travaux, « les +fusillés+ restent sont mal connus, sinon méconnus ».
La liste macabre des lieux d’exécution dressée sur le site fait revivre les épisodes les plus sombres de l’Occupation: Tulle, Maillé, Mont Valérien, Oradour-sur-Glane. On le sait en juin 1944, dans ce village tristement célèbre, les Allemands ont massacré 642 villageois, des femmes et des enfants surtout qu’ils ont rassemblés dans l’église. Parmi eux, Michèle Allioti, un bébé de trois mois, « brûlée avec sa mère et ses deux soeurs » Marie-Christine, 1 an, et Christiane, 3 ans, précise sa courte biographie.
« Une recherche scientifique mais aussi civique », renchérit l’historien Dominique Tantin. « A l’heure où en France et partout en Europe, l’intolérance, la xénophobie et le racisme sont de retour, à l’heure et les valeurs républicaines sont en danger, il est indispensable de rappeler le sacrifice de tous ceux qui donnèrent leur vie pour elles ».
http://maitron-fusilles-40-44.univ-paris1.fr/
Avec l’AFP.