Ces deux-là ont du mal à nous faire croire qu’ils sont frère et soeur malgré un jeu impeccable. Lui, Florian Carove, petit, brun et bedonnant, une pointe d’accent autrichien. Elle, Alexandra Larangot, élancée, sophistiquée. Ce qui rend « Agatha » de Marguerite Duras, mis en scène par Hans Peter Cloos, d’accès difficile puisque cette pièce de théatre publiée aux Editions de Minuit traite de l’inceste. Mais on y ira la voir pour goûter la langue « durassienne », garder des images très fortes et audacieuses de cette mise en scène comme en témoigne la photo à la une, et apprécier l’utilisation de la vidéo qui trouve ici subtilement sa place.
Résumé : un frère et une sœur se retrouvent avant le départ définitif de cette dernière. De retour dans leur maison d’enfance, ils évoquent leurs souvenirs liés à la naissance d’un amour incestueux.
Marguerite Duras « L’inceste ne peut être vu du dehors. Il n’a pas d’apparence particulière. Il ne se voit en rien. Il en est de lui comme la nature. Il grandit avec elle, meurt sans être jamais venu au jour, reste dans les ténèbres du fond de la mer, dans l’obscurité des sables des fonds des temps. De toutes les manières ou les formes de l’amour et du désir, il se joue. De toutes les sexualités diffuses, parallèles, occasionnelles, mortelles, il se
joue de même. De son incendie il ne reste rien, aucune scorie, aucune consommation, après lui la terre
est lisse, le passage est ouvert. Ainsi passe par un après-midi de mars un jeune chasseur qui remonte le
fleuve alors que les pousses de riz commencent à jaillir des sables. Il regarde une dernière fois sa soeur et
emmène son image vers les grands cataractes du désert. »
Hans Peter Cloos :
Prenons « Agatha » : Elle – Lui – L’amour – Ils sont frère et sœur – Le secret – L’inceste, alors la provocation ….. « L’inceste ne passe pas le seuil des maisons. Clos sur lui-même. Il se passe dans une famille, complètement enfermé dans le ghetto de la famille. Comme pour beaucoup de gens – et je le sais, parce que j’ai eu des frères. Plus grands. J’ai eu des frères plus grands qui avaient le désir de moi, de leur soeur, comme j’ai eu le désir d’eux. Et ce désir a été vécu. Il n’a pas été poussé jusqu’au bout, mais il a été vécu, très violemment. Surtout entre mon petit frère et moi. Par ailleurs, je pense que si je devais traiter ce sujet, je serais submergée par l’érotisme, par la violence érotique de l’équation de l’inceste. Je crois qu’on ne peut pas aller plus loin. « Chambre hallucinatoire » c’est l’expression pour désigner le lieu de l’inceste. Je pense que c’est Agatha (le personnage) qui a découvert l’inceste, lui ne l’aurait pas fait, il n’était pas capable de le découvrir. C’est là la force incommensurable de cette petite fille, Agatha… » dit Marguerite Duras à Jean-Luc Godard
« Dans l’inceste, il y a le tout du désir, et le tout de l’amour. Aucune passion ne peut remplacer celle de l’inceste. L’inceste, ça ne se reproduit jamais avec d’autres gens. Parce que c’est une double donnée, juste-
ment, c’est un amour et c’est la mémoire. » Pour moi, une évidence, faire la mise en scène d’une pièce écrite il y a presque quarante ans, avec de tous jeunes comédiens, signifie faire le grand écart.
Jeune comédien Florian Carove ? (ndlr) Le dossier de presse nous apprend qu’il interprète Hamlet déjà à Vienne et 2001…..
Café de la Danse jusqu’au samedi 7 octobre 2017. du mardi au vendredi à 20h30, le samedi à 17h00 et 20h30,
le dimanche 16h30. 5, Passage Louis-Philippe 75011 Paris. 01 47 00 57 59
AGATHA de de Marguerite Duras. Mise en scène Hans Peter Cloos.Distribution Alexandra Larangot & Florian Carove. Décor Marion Thelma. Vidéo Matti Dolleans. 1 H 40.