Je n’ai pas vu cette exposition qui se tient à Lyon jusqu’au 28 février au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation. (http://www.chrd.lyon.fr) Les textes que vous allez lire et qui en donnent un aperçu proviennent du Dossier de Presse adressé aux journalistes. Ils donnent froid dans le dos surtout en cette période de fête et de surabondance.
Le sujet de l’expo tient à lui seul dans son titre avec cette expression que l’on retiendra » les jours sans ».
SE RAVITAILLER
Le ravitaillement est un véritable enjeu politique sous l’Occupation. Il est d’abord une préoccupation essentielle pour le gouvernement qui revient comme un leitmotiv dans tous les supports de propagande officielle. La Résistance va également en faire un des sujets majeurs de sa contre-propagande, principalement véhiculée à travers des tracts et la presse clandestine. De leur côté les femmes, de façon spontanée ou à l’instigation du parti communiste clandestin, s’élèvent à partir de 1941 contre la dureté du rationnement et participent à des manifestations à Paris et en province. Si tous sont confrontés à des difficultés croissantes, certains sont de fait exclus du circuit officiel de répartition. Clandestins, résistants ou Juifs se cachant sous une fausse identité sont contraints d’avoir recours aux faussaires pour obtenir des tickets de rationnement.
JUSQU’AU 28 FÉVRIER 2018
Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation – Lyon |
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ORGANISER LA PENURIE
Dès l’hiver 1939-1940, certains produits alimentaires viennent à manquer et font l’objet des premiers « jours sans » chez les commerçants. Le rationnement entre en vigueur le 23 septembre 1940. La carte d’alimentation est alors instaurée : l’essentiel des denrées de consommation courante est distribué contre remise de coupons ou de tickets qui définissent la part de chaque consommateur. La population est classée en catégories, selon l’âge et la profession : E (enfants), J (jeunes et adolescents), A (adultes), T (travailleurs de force), C (travailleurs agricoles), V (personnes âgées).
ACCÉDER À LA NOURRITURE
Le déséquilibre entre l’offre et la demande génère une inflation croissante : on estime que les prix réels des produits alimentaires sont multipliés par trois ou quatre entre 1940 et 1944. Dans ce contexte de pénuries généralisées, le consommateur peut espérer compléter son alimentation avec des denrées non rationnées, parfois présentes sur le marché libre : abats, triperie, poisson, œufs, fromage maigre, gâteaux sans farine, mais aussi fruits et « nouveaux » légumes, comme les rutabagas et les topinambours. Parallèlement se mettent en place des produits de remplacement, désignés sous le nom allemand d’ersatz, dont la création est encouragée par le gouvernement. Le plus célèbre demeure la saccharine, ersatz du sucre.
DÉJOUER LA PÉNURIE
Conscient de l’insuffisance des rations, le gouvernement assouplit la réglementation dès 1941. De nombreux citadins vont ainsi bénéficier du marché rose : des colis de nourriture envoyés depuis la campagne. Le gouvernement facilite également les cultures collectives, jardins ouvriers et familiaux en milieu urbain. Par ailleurs, le troc se développe : les citadins vont s’approvisionner dans les fermes environnantes contre des produits manufacturés, parfois même des tickets. C’est le marché gris. Enfin les consommateurs peuvent aussi, mais cette fois en toute illégalité, se fournir sur le marché noir qui reste jusqu’à la fin des années 40 la principale source de ravitaillement parallèle.
SUBIR LA MALNUTRITION
Imposé par le Ravitaillement général et contrôlé par l’occupant, le niveau des rations officielles est, au moment de son instauration, de 1 500 calories quotidiennes, quand 2 500 sont requises pour satisfaire les besoins caloriques d’un homme au repos. Sa valeur énergétique diminuera jusqu’à atteindre en certains endroits 1 200, voire 1 000 calories pendant l’hiver 1942-1943. Les médecins expriment régulièrement leur désarroi, constatant chez leurs patients les symptômes de maladies dites de la disette : gales du pain, froidures, amaigrissements significatifs annonciateurs de la tuberculose, douleurs du dos ou ostéopathies de famine, aménorrhées de guerre et intoxications, auxquels s’ajoutent des psychoses spécifiques désignées sous le nom de « psychoses du ravitaillement ». Difficile à quantifier, la surmortalité des plus fragiles, vieillards et nourrissons, directement liée à la sous-alimentation ne fait aucun doute. À Lyon, des personnes sont retrouvées mortes dans la rue ou à leur domicile.
RÊVER LA NOURRITURE
L’ alimentation dans les lieux de privation « Je connais déjà la faim réglementaire, cette faim chronique que les hommes libres ne connaissent pas, qui fait rêver la nuit et s’installe dans toutes les parties de notre corps », écrit Primo Levi. L’alimentation dans les camps de concentration sert uniquement à maintenir en vie des hommes et des femmes au service de l’industrie de guerre nazie. Réduites à deux soupes par jour et un morceau de pain très noir, les rations distribuées varient peu d’un camp à un autre. La possession de cuillères, couteaux, et dans une moindre mesure de quarts et gamelles revêt un enjeu primordial au sein de l’univers concentrationnaire. Sans cuillère, le déporté est condamné à laper sa soupe comme un animal. Fabriqués en cachette dans les matériaux les plus inattendus, volés ou échangés, ces objets sont essentiels à la survie dans le camp. Leur conservation, comme celle saisissante de rations de pain intactes, démontre la volonté de témoigner de la faim et du dénuement extrêmes auxquels ont été contraints les déportés.