« c’est encore mieux l’après-midi » au théatre hébertot et « honneur à votre élue » en tournée.

La Femme Qui Marche a vu deux des pièces sur la politique à l’affiche en ce moment à Paris.

« C’est encore mieux l’après-midi » au Théatre Hébertot  de Ray Cooney donne à voir dans un hôtel tout proche de l’Assemblée Nationale, où il est descendu avec sa femme, un député connu qui préfère déserter l’hémicycle pour une partie de fesses en l’air. Pourtant le débat parlementaire qui y est annoncé s’avère d’une extrême importance. Pourtant, il défend en public la vertu.

C'est encore mieux l'après-midi. Th Hébertôt.

Dans cette comédie d’arroseur arrosé, son assistant parlementaire enchaîne les gaffes et sa femme n’est pas en reste…

On y rit parfois franchement, même si la pièce ne donne pas forcément dans la dentelle mais les quiproquos se succèdent avec beaucoup d’imagination et de rebondissements.  Le décor de Jean-Michel Adam est ingénieux et les portes claquent avec un rythme sans cesse entretenu…

C'est encore mieux l'après-midi. Théatre Hébertot.

Théâtre Hébertot. Adaptation française Jean Poiret avec notamment Pierre Cassignard – Lysiane Meis – Sébastien Castro. Mise en scène José Paul. Site officiel.

« Honneur à notre élue » au Théâtre du Rond-Point ne joue pas dans la même cour. Ici Marie NDiaye, prix Goncourt 2009, nous raconte une campagne électorale disputée entre une femme appelée « Notre élue » et son rival « l’Opposant ».(Géniale trouvaille) Notre élue, Isabelle Carré, personnage pourtant désincarné, et dont on ne connaît rien des convictions politiques, semble indéboulonnable tant elle est idolâtrée par ses électeurs, car elle est irréprochable. Le Bien pur. Mais c’est sans compter sur l’Opposant, Patrick Chesnais, qui finira par trouver un « truc franchement dégeulasse  » pour la battre. Elle ne s’abaissera pas à se défendre.

Frédéric Bélier-Garcia, le metteur en scène : « Ici le mal est là parce que le bien est insupportable » .

Honneur à notre élue. Parents
La langue de Marie NDiaye est d’une grande subtilité. Le texte est très dense, très théâtral, obscur parfois et une atmosphère étrange s’en dégage. La scénographie de Frédéric Bélier-Garcia donne à vivre des moments de pure grâce comme l’arrivée sur scène d’une majorette qui jongle avec son bâton ou le tout début.
Dommage, le public sûrement déboussolé ce soir là n’applaudira pas.
Isabelle Carré. Honneur à notre élue.

A méditer ces 2 textes qui auront inspiré cette oeuvre.

« N’avoir jamais répondu à une attaque, ni accepté le combat avec son insulteur, avoir toujours opposé à la calomnie un méprisant et insouciant silence, cela représente une force presque surnaturelle ; celui qui n’a jamais cédé à la tentation de la polémique vengeresse et de la lettre facile, refusant ainsi de se mettre au même niveau que ses ennemis, celui-là pourra se dire : je ne suis pas entré dans le jeu des batraciens… Cette armure, c’est le fort blindage de l’innocence ! Rendez-nous purs, indifférents et limpides ; faites-nous invulnérables à la mauvaise volonté et à la mauvaise foi. Le diable n’était fort que de notre faiblesse, qu’il soit donc faible de notre force. » Vladimir Jankélévitch.

« L’espace public est désormais réglé par la loi de la calomnie. Pour survivre dans la turbulence permanente, il faut calomnier avant que les autres ne vous calomnient… et l’inondation de l’espace par des scandales artificiels démontre que le ver est dans le fruit, que quelque chose ne fonctionne plus dans le concept d’espace public citoyen qui n’a de sens que si c’est un théâtre où chacun s’exprime sans arrière-pensées. (Or) ce régime du combat des arguments explicites est ce qui qualifie la démocratie ». Peter Sloterdijk.

Et un extrait de ‘Honneur à notre élue ».

Notre Élue : C’est une chose que tu aies trompé ton monde, c’en est une autre que je me sois laissée tromper. Je ne peux me le pardonner. Personne ne doit pouvoir m’abuser, pas même mes amis. J’ai manqué de vigilance, endormie par l’affection que j’avais pour toi alors que je m’étais promis de ne jamais me méfier de quiconque autant que de ceux que j’aime. Et voilà que, intraitable envers l’amour (chaque jour je m’oblige à douter de mes enfants, de mon époux !) je me suis laissée prendre à l’amitié dont je n’ai pas contrôlé toutes les paroles, soulevé tous les masques.

Keller : Me persuader de démissionner du conseil municipal, me chasser de ton existence, oublier que nous étions amis.

Notre Élue : Oui.

Keller : Après toutes ces années, tu en serais capable ?

Notre Élue : Oui. Seulement je ne le ferai pas et cela n’a rien à voir avec notre vieille amitié. C’est simplement qu’il me semble que je n’ai pas été à la hauteur de mon devoir. Je ne veux pas avoir l’impression que j’essaye de rattraper mon erreur en te congédiant ni que je fais en sorte de me venger de toi. Tu mérites, oui, d’être puni mais pas par moi ».

« Honneur à votre élue » au Théatre du Rond-Point à Paris jusqu’au 26 mars. En tournée  du 29 au 2 avril au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence. Les 5 et 6 avril au Grand T de Nantes. Du 11 au 20 avril au Théâtre des Célestins à Lyon.

 

 

 

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