Comment déconfiner en douceur les tout-petits ? En déstressant les adultes.
le neuropsychiatre Boris Cyrulnik :
« Le développement de l’enfant pendant ses mille premiers jours dépend de l’état de sa mère. Si sa mère est confinée en souriant, l’enfant n’aura rien du tout. Si sa mère déprime, s’il y a un deuil dans la famille, si elle appartient à un foyer violent, si elle est morte ou malade, l’enfant sera altéré ». D’où l’importance, pour lui, de prendre en charge les mères en détresse afin d’éviter d’aggraver les inégalités sociales.
Catherine Gueguen, spécialiste du soutien à la parentalité :
« Beaucoup de parents sont complètement paniqués et pour nous pédiatres c’est extrêmement préoccupant car le stress est très nocif sur le cerveau de l’enfant ».
Il s’avère crucial de « réassurer » les parents, sur les conditions d’accueil, d’hygiène et également de rassurer les professionnels de la petite enfance.
Est-ce anxiogène pour un bébé d’être face à adulte masqué ?
Dans les crèches réquisitionnées pour les enfants de soignants, les professionnels portent des masques notamment pour les repas ou les changes. Les retours sont plutôt rassurants avec des enfants qui montrent une très grande capacité d’adaptation, rapporte Julie Marty Pichon, du collectif « Pas de bébés à la consigne ! » qui défend le secteur.
Il va falloir “customiser” ces masques, jouer à apparaître/disparaître avec eux afin que « l’enfant comprenne que ce qui disparaît sous le masque est en fait toujours là », prévoit Claudia Kespy-Yahi, vice-présidente de la Fédération française des entreprises de crèche. Catherine Gueguen elle en revanche plaide pur des masques transparents : « le masque est une catastrophe. Si on ne voit pas le visage, on peut pas lire l’expression ».
De son côté, le collectif « Pas de bébé à la consigne ! » craint un retour à l’hygiénisme-roi comme dans les années 60 où les enfants portaient des tenues de crèche pour se prémunir contre des virus venus de l’extérieur. « Les crèches sont des lieux d’accueil socio-éducatifs et pas juste sanitaires ».
Ils sont certains à penser que « L’hygiène peut faire des catastrophes si on oublie que toucher est vital pour le développement ».
– Comment préparer le retour chez la nounou ou en crèche ?
Après deux mois en famille, l’adaptation est différente du début d’année car ils connaissent les lieux, le personnel, il s’agit plutôt d’une mini-adaptation.
Claudia Kespy-Yahi conseille de faire écouter et chanter à la maison la musique et les comptines de la crèche. Il faut aussi essayer de les familiaiser avec le masque. Mais en expliquant « pourquoi on porte ce masque et en précisant bien que ce microbe a priori n’est pas grave sauf pour les personnes âgées »;
Pour le lavage des mains, on peut en faire un rituel amusant avec les petits qui adorent en principe jouer avec l’eau.
Enfin, dernier sujet hautement sensible: le doudou.
Certaines crèches préviennent déjà qu’il ne pourra pas circuler entre la maison et la crèche. Il va donc falloir trouver deux doudous. Une aberration pour Julie Marty-Pichon qui s’interroge sur l’intérêt sanitaire d’une telle mesure. « Le doudou est un objet transitionnel qui doit faire le lien entre la maison et le lieu d’accueil. Si vous cassez ça, vous mettez les enfants dans une grande situation de stress ».
La Femme Qui Marche avec / AFP.