new york. la grosse pomme ou la grosse huître

Une dizaine de biologistes et de bénévoles s’activent, les pieds dans l’eau, à Brooklyn. Que font-ils ? Ils sont en train d’édifier un récif d’huîtres, dans le cadre d’un vaste projet de restauration des récifs ostréicoles de New York.  28 millions d’huîtres ont déjà été réintroduites en quatre ans.

En combinaisons de pêche et bottes de caoutchouc, Ils forment une chaîne humaine qui se détache de la capitale financière américaine, la statue de la Liberté et les gratte-ciel de Wall Street.

Ils lancent des filets remplis de coquilles d’huîtres vides ou pleines de jeunes larves d’huîtres qu’ils les disposent en rangées, au fond de l’eau.

Katie Mosher, responsable du projet de restauration « Billion Oyster Project » (1 milliard d’huîtres d’ici 2035)

« Les huîtres sont des ingénieurs de l’écosystème et construisent un habitat (…) où d’autres espèces aiment aussi venir chasser ou vivre ». Ces mollusques jouent aussi un rôle important de régulation: elles filtrent l’eau en respirant, permettant le passage de plus de lumière et la croissance de plus de plantes aquatiques. Elles recyclent aussi les nutriments et l’azote. Et, en formant des grappes denses, servent de rempart naturel face à l’érosion, ou en cas de tempêtes ou d’ouragans. « Quand on met des huîtres au fond de l’eau, on remarque tout de suite une amélioration : il y a plus de poissons, plus de crabes », de langoustines et même des hippocampes. Dans certaines zones, les larves sont si nombreuses qu’il suffit de leur offrir un support où se fixer ».

Mike McCann, expert en écologie marine pour l’organisation The Nature Conservancy : « Avant de devenir la Grosse Pomme, New York était la Grosse Huître, c’est une histoire qu’ont oubliée beaucoup de New-Yorkais, et que ce projet fait revivre ».

Lorsque l’explorateur anglais Henry Hudson entre dans le port de New York en 1609, il doit naviguer entre 89.000 hectares de récifs d’huîtres, dont se nourrissaient les indiens Lenape depuis des générations, raconte Mark Kurlansky dans son livre de 2006, « The Big Oyster » (La Grande huître). Les colons hollandais de New Amsterdam surnommaient d’ailleurs Ellis Island et Liberty Island, aujourd’hui très touristiques, « Petite île aux huîtres » et « Grande île aux huîtres ».

Mais au début du XXe siècle, avec la surpêche et la pollution, les mollusques ont quasiment disparu. Pendant de longues décennies, ces eaux ont été trop toxiques, empêchant quasiment toute vie aquatique. Cette dernière n’a réussi à renaître progressivement qu’après l’adoption en 1972 de la loi sur la propreté de l’eau (Clean Water Act), qui a interdit de déverser dans le port les déchets et les eaux usées non traitées.

– Huître géante –

Les récifs restaurés favorisent aussi la croissance d’huîtres sauvages: il arrive qu’on trouve une huître géante, comme celle de 20 cm sortie en août de la rivière Hudson, à proximité du quartier de TriBeCa à Manhattan, la plus grande depuis un siècle.

Qualité de l’eau, prédateurs, maladies, quantités de poissons font l’objet d’analyses et de relevés réguliers, un travail assuré en partie par des élèves des écoles qui étudient aussi les huîtres en classe.

– Immangeables –

Les New-Yorkais avalent en moyenne un demi-million d’huîtres par semaine et le projet recueille des piles de coquilles de quelque 70 restaurants chaque semaine, qu’il faut ensuite sécher et purifier. Mais les huîtres new-yorkaises restent immangeables pour l’instant.

Et comme cela ne suffit pas pour édifier le récif, le projet doit recourir à d’autres méthodes: il a même broyé des milliers de cuvettes de toilette en porcelaine provenant d’écoles de la ville …!!!!

la Femme Qui Marche avec /AFP.

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