Peut-être est-ce la falaise qui le séduisit ? Toujours est-il que le Corbusier installa son « château » à Roquebrune-Cap-Martin dans les Alpes maritimes. En fait un cabanon qu’il construisit de ses mains et où il passa tous ses étés à partir de 1951. L’aboutissement de ses recherches sur la notion de cellule minimum. Un carré de 3, 66 mètres de côté et de 2 m 26 de haut. Des mesures empruntées au Modulor, un système inventé sur la base du nombre d’or.
Pourtant entre 1926 et 1936, Corbu s’est entiché du cap Ferret et du Bassin d’Arcachon où il trouva une sorte de petit paradis terrestre. « Le spectacle du bassin est reposant, et la finesse des lignes, les couleurs délicates, les maisons de sauvages tassées sur les bords, nous ont ravis au premier coup et continuent à nous ravir… » Août 26. (Par sauvages, il faut entendre les gens qui y travaillent).
L’architecte a ses habitudes chez les Vidal (au Petit Piquey) à qui il loue une chambre qui donne sur un figuier…Il y passe ses vacances. Il ne construit rien dans la presqu’île. Mais il « voudrait pouvoir acheter ici » « Le Piquey est plein d’une vie saine « .
« Cette langue de terre est isolée du monde parce que le chemin de fer s’est arrêté au bord des sables de la lande que couvre la pinède ; l’un de ses flancs est battu par l’océan irascible et appauvrissant. Les vents arrachent tout, les dunes ne sont qu’un désert. L’autre flanc est caressé par la douce marée qui par un goulet s’infiltre dans un bassin intérieur ». 1929.
Le Piquey est aussi pour lui une source inépuisable d’inspiration pour sa peinture. Il dessine tout : bouts de bois. Pommes de pins. Coquillages. Cordages. Pinasses. Charrettes et les femmes.
Et de retour à Paris, il compose les tableaux que lui ont inspiré son séjour.
Dans le bassin d’Arcachon, il perfectionne sa nage : » L’orage éclate formidable. J’étais près de la Pointe aux chevaux. Je me déculotte. Je tasse mes effets sous une souche et en petit caleçon de bains, je pique une course vers le Grand Piquey. «
Mais en septembre 36, lui qui aimait » les maisons de planches parce qu’elles sont honnêtes d’esprit et de construction » considère que le Piquey est foutu (….) Maintenant les maisons sont « basques » avec de fausses poutres en ciment peintes de faux bois ! ( l’architecte semble confondre avec la Normandie non ?) ….Le massacre est imminent. Où diable trouver encore quelque chose de vrai… ? » L’ architecte voit son rêve idyllique de villégiature gravement touché par la civilisation… Et s’en ira vers d’autres cieux.
Le Corbusier. Mes années sauvages sur le bassin. 1926- 1936. Exposition jusqu’au 23 Septembre au Pôle culturel du Petit Piquey. A acheter absolument le carnet édité à l’occasion de cette expo. Tim Benton et Bruno Hubert. 10 Euros.