«Tirer dans les jambes pour mutiler plutôt que de tuer», les policiers et les magistrats appellent cela la « jambisation » . La méthode a le vent en poupe en Seine Saint Denis.
Alain Bauer, explique que la jambisation, utilisée par la mafia et les Brigades Rouges, avait disparu en France. Dans les années 1980-1990, à Marseille et dans la région de Grenoble, «on jambisait des politiques, des journalistes, des patrons». Mais les guerres de pouvoir dans les milieux corso-marseillais au milieu des années 2000 avaient fini par les faire disparaître.
«Ce qui est d’autant plus surprenant, c’est que ce mode opératoire n’avait jamais été observé dans le nord de la France», ajoute le criminologue qui estime que les chiffres des services d’urgence sont suffisamment significatifs pour être «pris en compte avec sérieux», même s’il faudrait pouvoir isoler les tirs volontaires des tirs par hasard».
Les avantages de la stratégie
Viser les jambes plutôt que la tête revêt plusieurs «avantages»: on envoie un message d’avertissement visible. Un policier précise que le grand sportif qui se retrouve avec des béquilles ou en fauteuil roulant du jour au lendemain, tout le monde le voit»..«C’est une mort sociale», résume le Dr Philippe Charlier, médecin légiste et anthropologue. «La victime va survivre. Elle sera, aux yeux de ses agresseurs, un «sous-homme», impropre à toute activité commerciale illicite puisque dans ce contexte, il faut pouvoir s’imposer physiquement», pour se protéger de la concurrence et de la police.
La mutilation permet aussi d’échapper à la cour d’assises et de s’exposer à des peines moins lourdes. «La jambisation nuit moins au business» précise de son côté Christophe Prudhomme urgentiste du 93.Un constat partagé par la procureure de Bobigny qui dans son discours de rentrée, en janvier dernier, rappelait que les guerres de territoire conduisent à des «règlements de compte ou des avertissements (jambisation) facilités par la libre accessibilité aux armes à feu».
Les séquelles peuvent être très lourdes, surtout avec des armes de guerre, de type kalachnikov: «Trois balles à haute vélocité peuvent détruire les os et les tissus musculaires, avec à la clé un risque élevé d’infection», ajoute le médecin. «Cela peut se traduire par une amputation, la mise en place d’une prothèse et de longs mois de rééducation».
Des enquêtes plus difficiles.
Pour les policiers, ces affaires de jambisation relèvent souvent du casse-tête. «Dans 80% des cas, il n’y a pas de dépôt de plainte»car la victime préfère se taire. Elle craint des représailles ou préfère se faire justice elle-même.
Source : le Figaro.fr